16 décembre 2025

Katrien van Tilborg, senior advisor doctrine IRE

 

Le Collège de supervision des réviseurs d’entreprises – en anglais appelé Belgian Audit Oversight Board (BAOB) – a organisé, le vendredi 28 novembre 2025 à Bruxelles, une conférence internationale intitulée « Strengthening audit quality through culture, critical thinking, and professional judgment ». Entièrement en anglais, la conférence a réuni des réviseurs d’entreprises, des organisations professionnelles et des autorités de supervision autour de la question : comment la culture, l’esprit critique et le jugement professionnel renforcent-ils la qualité de l’audit ?

Ann De Roeck, secrétaire générale du BAOB, a assuré le bon déroulement de la conférence. Dans son mot d’accueil, Bénédicte Vessié, présidente du BAOB, a souligné que la profession d’audit repose sur trois piliers étroitement liés : culture organisationnelle, esprit critique et jugement professionnel. D’où le choix du BAOB de consacrer cette conférence entièrement à la dimension humaine de la qualité de l’audit.

Le discours d’ouverture a été prononcé par Panos Prodromides, président du Committee of European Auditing Oversight Bodies (CEAOB) et directeur général du Cyprus Public Audit Oversight Board (CyPAOB). Il a souligné que, malgré les règles et normes techniques, la qualité de l’audit conserve une nature profondément humaine: il ne s’agit pas seulement de conformité, mais aussi d’esprit critique, de jugement éclairé, du courage de la contradiction, de bon leadership et de coopération entre cabinets d’audit, régulateurs, universités et investisseurs.

Culture et comportement

Anneke Thordsen, directrice de projet au sein de l’équipe chargée de la supervision du marché de l’audit de la Financial Reporting Council (FRC, UK), a proposé un exposé inspirant sur l’importance de la culture au sein des cabinets d’audit. Elle a montré comment culture et comportement se renforcent mutuellement. Un état d’esprit d’engagement (commitment) est plus important que la seule conformité. Elle a également insisté sur le leadership, la sécurité psychologique, le suivi continu, une communication claire et une formation qui va au‑delà des compétences techniques.

Une table ronde, modérée par Panos Prodromides, a ensuite abordé la question de la manière de stimuler le développement d’une attitude critique et de mettre en œuvre l’esprit critique dans la pratique quotidienne de l’audit. Les panélistes, tous professionnels du secteur de l’audit, étaient Hilde Blomme (directrice générale adjointe d’Accountancy Europe), John Boulton (directeur des politiques à l’ICAEW et conseiller technique du CCAB pour Accountancy Europe UK), Marie‑Noëlle Godeau (associée Audit & Assurance chez Deloitte Belgique), Gillian Lord (responsable mondiale des politiques et de la réglementation chez PwC UK), Eef Naessens (Associé  Audit et Associé directeur Assurance chez EY Belgique) et Inge Saeys (vice‑présidente de l’IRE et associée chez RSM Interaudit BV).

Les panélistes ont confirmé qu’un bon auditeur combine des compétences techniques (hard skills) et des compétences comportementales (soft skills). L’apprentissage tout au long de la vie a été résumé par les « trois E » : Education (éducation), Experience (expérience) et Examination (évaluation). Une quatrième E a été ajoutée : Eagerness to learn (désir d’apprendre). Une équipe d’audit solide requiert une mixité de profils. L’importance de la sécurité psychologique au sein de l’équipe a également été soulignée : une culture dans laquelle chacun se sent en sécurité, ose poser des questions et a le droit de se tromper. Le coaching en situation (on the job) est essentiel pour les jeunes collègues ; un retour honnête accélère l’apprentissage et renforce la qualité. La posture des dirigeants (tone at the top) contribue à façonner la culture de l’organisation. Il a aussi été rappelé que tout le monde peut penser de manière critique et que cela s’apprend ; l’esprit critique est une habitude quotidienne. La prise de notes systématique aide à mémoriser les détails et soutient la documentation. Enfin, la consultation reste cruciale, tant entre collègues qu’avec le client.

Jugement professionnel et esprit critique

L’après‑midi était consacrée au jugement professionnel (professional judgment) et à l’esprit critique. Florence Peybernès, présidente de La Haute Autorité de l’Audit (H2A) en France, a prononcé, du point de vue du superviseur, une allocution sur l’importance de l’esprit critique. À partir de plusieurs cas pratiques, elle a mis en évidence des constats d’inspection récurrents liés à un scepticisme professionnel insuffisant.

Ensuite, Ann De Roeck a animé une table ronde avec des représentants des autorités de supervision, à savoir : José Miguel Almeida (membre du conseil d’administration de la Commission portugaise des marchés des valeurs mobilières (CMVM)), Jacek Gdanski (président de l’Autorité polonaise de supervision de l’audit (PANA)), Ramana McConnon (directeur de projet au sein de l’équipe Audit & Assurance Policy de la Financial Reporting Council (FRC, UK)) et Agathe Pignon (cheffe adjointe de la division Public Oversight of the Audit Profession auprès du superviseur financier luxembourgeois (CSSF) et présidente du sous‑groupe Inspections du CEAOB).

Le panel a souligné l’importance d’une gouvernance solide et d’un leadership fort au sein des cabinets d’audit, afin d’éviter une mentalité de « checklist » et de stimuler l’esprit critique. Le rôle de lintelligence artificielle a également été abordé. L’IA peut renforcer la qualité de l’audit, mais le jugement professionnel demeure profondément humain. Une attitude interrogative et sceptique doit être la norme, et le signataire reste responsable — quel que soit l’assistance fournie par l’IA. Enfin, la nécessité de lignes directrices claires concernant l’usage de l’IA a été soulignée.

Après la pause‑café, Drs. Sietze De Leeuw, registeraccountant (RA) et manager auprès du régulateur néerlandais Autoriteit Financiële Markten (AFM), a présenté un exposé sur la sensibilisation à la fraude (fraud awareness) par le jugement professionnel et l’esprit critique. Il a souligné que la sensibilisation à la fraude commence par une attitude sceptique : examiner chaque signal, expliciter les hypothèses, tester les éléments probants contradictoires et les explications alternatives, et consigner soigneusement l’ensemble dans l’analyse des risques de fraude dans le dossier d’audit.

Les conclusions ont été présentées par Jean‑Paul Servais, président de l’IOSCO et de la FSMA, et président du Corporate Governance Committee de l’OCDE. Il a souligné que les cabinets d’audit jouent un rôle clé de gardiens de lintégrité des marchés. Les compétences techniques sont essentielles, mais un état desprit critique et le jugement professionnel sont tout aussi cruciaux et doivent être intégrés dans une culture éthique où les dirigeants encouragent et protègent le scepticisme professionnel. Enfin, il a appelé à une coopération continue entre les autorités de contrôle et la profession afin de renforcer la gouvernance et d’affiner les cadres régissant la conduite et le reporting, conformément aux normes internationales et aux bonnes pratiques.

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